Lโarticle qui va suivre est tirรฉ du Journal de lโInstitut Curie nยฐ101, de la page 9 ร 14.
Leucรฉmies, tumeurs cรฉrรฉbrales,rรฉtinoblastome, sarcome dโEwing, neuroblastomeโฆ Derriรจre ces noms de maladies, synonymes dโinjustice car ils frappent desย enfants, se cache la rรฉalitรฉ de trรจs nombreux cancers, si diffรฉrents les uns des autres et pour lesquels il est complexe de mettre en place des programmes de recherche. Le plus souvent, ils touchent moins dโun enfant sur 2 000 et obligent chercheurs et mรฉdecins ร sโorganiser diffรฉremment pour les combattre, via notammentย des collaborations en rรฉseau national voireย europรฉen ou international. ยซ Lโimplicationย dโinstitutions comme lโInstitut Curie, qui possรจdeย une expertise รฉtendue, de la recherche auxย soins, peut faire progresser la prise en chargeย de ces enfants atteints de tumeurs ยป, explique leย Dr Jean Michon, chef du dรฉpartement dโOncologieย pรฉdiatrie adolescents jeunes adultesย de lโInstitut Curie et prรฉsident de la Sociรฉtรฉย franรงaise de lutte contre les cancers et des leucรฉmies de lโenfant et de lโadolescentย (SFCE). La recherche en pรฉdiatrie cancรฉrologiqueย avance annรฉe aprรจs annรฉe grรขce auxย liens forts entre la recherche, quโelle soit fondamentaleย ou clinique, et les unitรฉs mรฉdicalesย prenant en charge les enfants. Cette dรฉmarcheย pluridisciplinaire fonde le ยซ modรจle Curie ยป,ย depuis plus de 100 ans : elle est autant indispensableย pour mieux comprendre la cancรฉrogenรจseย que pour soigner les malades.
De plus en plus dโenfants guรฉris
En France, un enfant de moins de 15 ans surย 500 et un adolescent de moins de 19 ans surย 5 000 sont atteints dโun cancer. Cโest globalementย 100 fois moins que les adultes maisย cโest encore beaucoup trop ! Cโest pourquoiย lโInstitut Curie sโest dotรฉ en 1977, afin de leurย donner les meilleures chances face ร la maladie,ย dโun dรฉpartement dรฉdiรฉ aux cancers deย lโenfant, avant de crรฉer en 2012 une รฉquipeย mobile puis une unitรฉ dโhospitalisation dรฉdiรฉesย ร la prise en charge spรฉcifique des adolescents.ย ยซ Heureusement, la mรฉdecine obtient desย rรฉsultats satisfaisants en oncopรฉdiatrie, souligne le Dr Jean Donadieu, oncopรฉdiatre ร ย lโhรดpital Trousseau (AP-HP), ร Paris. Onย peut guรฉrir pratiquement dรฉfinitivement certainsย cancers survenus dans la petite enfance. ยปย La probabilitรฉ de survie des enfants et adolescentsย atteints de cancers sโest amรฉliorรฉeย de maniรจre trรจs significative ces derniรจresย dรฉcennies et atteint aujourdโhui les 80 % cinqย ans aprรจs le diagnostic mais baisse ร 75 %ย cinq ans plus tard. Et tous les enfants ne sontย pas logรฉs ร la mรชme enseigne. Si le taux deย survie est de 99 % pour les rรฉtinoblastomesย (tumeurs de la rรฉtine), il est de 89 % pour lesย lymphomes, de 68 % pour les sarcomes des tissusย mous et de 65 % seulement pour les tumeursย du systรจme nerveux centralโฆ La rechercheย redouble dโefforts pour pouvoir, un jour,ย les soigner tous et prรฉserver leur avenir.ย Elle vise non seulement ร augmenter lesย chances de guรฉrison face aux cancers deย mauvais pronostic, mais aussi ร diminuerย le risque de sรฉquelles liรฉes ร la maladie etย aux traitements dans le cas des cancers deย bon pronostic.
Soutenir le dรฉveloppementย de la recherche
ยซ Pour des raisons de santรฉ publique รฉvidentes,ย les pouvoirs publics privilรฉgient le financementย de programmes de recherche touchant des cancersย de lโadulte beaucoup plus frรฉquents commeย le sein, les poumons ou la prostate ยป, expliqueย le Pr Pascal Chastagner, du CHU de Nancyย (Meurthe-et-Moselle), prรฉsident du Conseilย scientifique de la SFCE.ย Le Plan cancer sโefforce de structurer et dรฉvelopperย la recherche, avec pour maรฎtre motย la coordination. Il sโagit รฉgalement de promouvoirย le dรฉveloppement des essais thรฉrapeutiquesย en collaboration avec lโindustrieย pharmaceutique, et de renforcer les interactionsย entre chercheurs et cliniciens. Pour soutenirย la recherche sur les cancers des enfants,ย on peut aussi compter sur la forte mobilisationย des donateurs privรฉs et des associations deย parents, trรจs prรฉsents aux cรดtรฉs des mรฉdecinsย et chercheurs.
La biologie du cancer, une aideย ร la dรฉcision thรฉrapeutique
Aujourdโhui, lโespoir de dรฉvelopper des essaisย cliniques au profit des malades se trouve duย cรดtรฉ des thรฉrapies ciblรฉes, en pleine รฉmergenceย grรขce aux progrรจs de la biologie molรฉculaire.ย Certains cancers, en apparence trรจs diffรฉrents,ย ont en fait des signatures molรฉculaires similaires.ย Un enfant atteint dโun cancer sans traitementย efficace pourrait donc รชtre orientรฉ versย un essai clinique mis en place pour un autreย cancer, si leurs signatures molรฉculaires coรฏncident.ย Pour favoriser cette organisation afinย dโamรฉliorer significativement les taux de guรฉrisonย des enfants, les centres de lutte contre leย cancer comme lโInstitut Curie ont mis en placeย des rรฉunions de concertation pluridisciplinaireย (RCP) molรฉculaires* : au cours de ces rรฉunionsย pilotes, tous les spรฉcialistes รฉchangent, enย prenant notamment en compte ce paramรจtreย molรฉculaire. Si les RCP sont aujourdโhui desย rรฉunions standards, les RCP molรฉculairesย constituent, elles, une innovation.
La pluridisciplinaritรฉย au coeur de la recherche
Au sein des laboratoires de recherche, la pluridisciplinaritรฉย tient une place majeure. Elle constitueย dโailleurs une prioritรฉ pour lโInstitut Curie, oรน biologistes,ย gรฉnรฉticiens, physiciens et cliniciens collaborentย en permanence. Ensemble, les รฉquipesย de recherche travaillent ร la meilleure comprรฉhensionย des aspects biologiques et gรฉnรฉtiquesย de diffรฉrents cancers de lโenfant. Ainsi, ยซ nousย รฉtudions les anomalies gรฉnรฉtiques, les gรจnes et lesย mรฉcanismes mis en jeu afin dโamรฉliorer le diagnostic et dรฉcouvrir de nouvelles pistes thรฉrapeutiquesย plus adaptรฉes pour chacun des patients ยป, prรฉciseย Olivier Delattre, chef de lโรฉquipe Gรฉnรฉtique etย biologie des tumeurs pรฉdiatriques. ยซ Cette synergieย entre les mรฉdecins et les chercheurs fonctionneย de mieux en mieux aujourdโhui car de nombreuxย jeunes pรฉdiatres passent par la recherche en laboratoireย pour faire des masters et leur thรจse deย science, explique le Pr Pascal Chastagner. Il y aย 20 ans, les chercheurs restaient dans leur laboratoireย et les pรฉdiatres oncologues dans leur service.ย Aujourdโhui, ce nโest plus le cas. ยป
Des รฉchanges indispensables
Les รฉchanges sont รฉgalement essentiels pourย lโaccรจs aux soins. Chaque patient doit pouvoirย รชtre soignรฉ sans perte de chance par des
รฉquipes compรฉtentes, quel que soit le cancerย dont il souffre, quel que soit lโendroit oรน ilย habite et quel que soit son รขge. Pour organiserย de tels rรฉseaux, les tutelles reconnaissentย lโexpertise de certains hรดpitaux et les dรฉsignentย comme tรชte de pont pour telle ou telle maladie.ย Ils constituent un point de ralliement pour lesย mรฉdecins et les patients.ย Cรดtรฉ recherche, cโest lโรฉchelle mondiale quiย permet de constituer des cohortes de patientsย suffisantes pour obtenir des rรฉsultats significatifsย au plan scientifique. Ces รฉchanges sontย essentiels : ils structurent la fiabilitรฉ des informationsย et facilitent leur diffusion. Les congrรจsย nationaux et internationaux constituent desย lieux de partages des savoirs et des bonnes pratiques. ยซ La SIOP est la sociรฉtรฉ mondiale dโoncologieย pรฉdiatrique. Lors de son dernier congrรจsย annuel ร Toronto (Canada), en octobre, elle aย rรฉuni plus de 1900 participants de 92 pays, prรฉciseย le Pr Franรงois Doz, pรฉdiatre oncologue ร ย lโInstitut Curie et prรฉsident du conseil scientifiqueย de la SIOP. De cette rencontre โ unique enย son genre โ naissent de nouvelles collaborationsย entre spรฉcialistes : pรฉdiatres oncologues, chirurgiens,ย radiothรฉrapeutes, pathologistes, radiologues,ย biologistes, infirmiรจres et psychologuesย sโรฉtaient rassemblรฉs pour partager leurs travaux
et amรฉliorer la prise en charge des enfantsย atteints de cancer. ยป ยซ Dans ce contexte international,ย les rรฉseaux sociaux et Internet offrentย des outils, non pas dโinclusion mais de suiviย de chaque patient dans les cohortes, renchรฉritย Giovanna Marsico, avocate et directrice de laย plateforme internet Cancer Contribution. Lesย patients ou leurs parents peuvent fournir, dans laย durรฉe, des informations sur les effets secondairesย des traitements, les sรฉquelles, tous les aspectsย de pharmacovigilance. Ils permettent un suiviย intรฉressant des malades sans que ces derniersย ne soient astreints ร se dรฉplacer ร lโhรดpital. ยป
Lโinnovation pour la vie quotidienne
La recherche progresse pour lutter contre lesย cancers pรฉdiatriques, mais aussi pour amรฉliorerย la qualitรฉ de vie des enfants malades etย de leur famille. Tout est fait, dans la mesureย du possible, pour que leur sรฉjour ร lโhรดpitalย ne provoque pas une rupture trop importanteย avec la vie ร lโextรฉrieur. Un accompagnementย psychologique est bien souvent utile, unย accรจs internet permet aux patients de resterย connectรฉs, une รฉcole โ ou un soutien scolaireย โ ร lโhรดpital, des ateliers et animationsโฆ sontย proposรฉs.ย La lutte contre le cancer des enfants et des adolescentsย montre ses spรฉcificitรฉs et sa capacitรฉย ร remporter jour aprรจs jour de petites ou deย grandes victoires. Certes, il sโagit de de trรจsย nombreux cancers, avec des rรฉsultats encoreย hรฉtรฉrogรจnes selon les diagnostics. Mais lesย efforts des soignants et des chercheurs,ย menรฉs dans lโalliance avec les patients et leursย familles, sont toutefois la preuve que les personnesย concernรฉes ne sont pas oubliรฉes.ย ยป